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AH, UN PETIT MIEUX !
30 août 2006

Tous pirates!

Tous pirates! -------------------------------------------------------------------------------- par Aurélien Véron, le 9 août 2006 La loi « Droits d’Auteur et Droits Voisins dans la Société d’Information » (DADVSI) vient d’être votée dans sa version dure. Prison pour les amateurs de peer to peer, logiciel libre menacé et sacralisation des privilèges accordés aux grands acteurs économiques du secteur de la culture. Pourtant, peu d’hommes politiques ont osé aborder la question sous-jacente et bien plus fondamentale des droit d’auteur et droits voisins (DADV). Les débats houleux se sont contentés de traiter des solutions techniques de sauvegarde de ces droits, aboutissant à des incohérences telles que le piétinement de l’exception au droit d’auteur pour « copie privée ». C’est finalement le tout nouveau « parti pirate » qui a mis les pieds dans le plat, comme ses « partis pirates » frères le font ailleurs en Europe par leurs opérations spectaculaires. Leur thème de campagne quasi unique, provocation ô combien radicale, consiste à abroger les DADV sacralisés depuis 1886 par la convention de Berne, pour en refonder les principes. Sans aller aussi loin, les jeunes générations sentent intuitivement la profonde inadaptation de la protection des DADV aux temps modernes. Quitte à remettre en question un modèle économique, les fondements du droit d’auteur méritent une remise à plat pragmatique. L’émergence du droit d’auteur est directement liée à l’essor des industries culturelles et à l’amélioration des techniques de reproduction des oeuvres à partir de la seconde moitié du XIXeme siècle. Initialement, la tendance appuie la garantie d’une liberté et d’une circulation des connaissances sur la reconnaissance d’une pseudo propriété. Mais un courant puissant lutte pour une vision corporatiste du droit d’auteur afin d’en protéger avant tout l’exploitation exclusive. Depuis lors, le débat ne cesse d’opposer les adeptes de la libre circulation de la culture aux défenseurs des intérêts pécuniaires de la profession. Ce sont les seconds qui l’emporteront en idéalisant la création et en offrant à l’auteur un statut de « propriétaire de droits », bien plus prestigieux que celui du simple travailleur intellectuel. Pourtant, la notion de propriété n’a de sens qu’avec des biens matériels dont les propriétaires ont l’usage exclusif. Un ballon de football ne peut appartenir qu’à un seul propriétaire et n’être utilisé que par un joueur à la fois. Une chanson, au contraire, peut être copiée à l’infini et le fait de l’écouter ne prive nullement autrui de la possibilité de le faire également. Seul le support produit, livre ou disque par exemple, est un bien appropriable. Certainement pas le contenu. Etre propriétaire d’une chanson n’a donc pas de sens. Un lobbying intensif a pourtant débouché sur une loi qui fixe le cadre d’un droit de propriété artificiel sur ces productions de l’esprit. Cette victoire est avant tout celle des éditeurs qui puisent là une source protégée de revenus et tirent une nouvelle légitimité de l’auteur édité. Le droit d’auteur est ainsi devenu avant tout celui des « médiateurs culturels » qui se chargent de la diffusion et de l’exploitation des œuvres immatérielles. Le « droit des artistes de percevoir une rémunération équitable », argument flou mais redoutablement efficace qui joue sur l’image romantique de l’artiste maudit, protège les privilèges exorbitants d’un vaste secteur économique. Cerise sur le gâteau : pour prolonger ce monopole d’exploitation, l’exercice du droit pécuniaire est octroyé aux héritiers jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur, 50 ans en ce qui concerne les droits voisins. La directive européenne 93/98/CEE du 29 octobre 1993 a enfin étendu à toute l’Europe cette vision très protectrice de ces droits arbitraires de propriété intellectuelle. Comme on le voit, l’ensemble est bien verrouillé et permet une accaparation de la culture au profit de quelques intermédiaires. L'avènement des « mesures techniques de protection », les fameux « DRM », illustre parfaitement cette tendance. Par ces dispositifs de verrouillage des oeuvres numériques, les intermédiaires de la culture s'octroient des monopoles de fait sur les canaux de diffusion, interdisant à quiconque ne parlant pas le même DRM (aux spécifications jalousement gardées !) de lire leurs oeuvres. Ces barrières artificielles, toujours sous prétexte de « protéger les auteurs », se trouvent consacrées par la loi DADVSI. Elles cloisonnent le marché de la distribution d'œuvres et favorisent les abus de position dominante et les ventes liées. Exemple parlant, il n’est pas possible d'utiliser le service iTunes de Apple avec autre chose qu'un baladeur iPod. Le profanateur pris à contourner ces dispositifs techniques de verrouillage est dorénavant menacé de peines de prison et d’amendes considérables. Ce contournement peut pourtant s’avérer légitime et nécessaire, par exemple pour permettre une interopérabilité et écouter un morceau sur un lecteur mp3 initialement incompatible ou pour chercher à désarmer les virus intrusifs dissimulés au cœur de ces DRM pour espionner notre comportement de consommateur. La loi DADVSI, en sacralisant les DRM, offre à quelques groupes politiquement influents la mainmise sur des pans entiers de la culture. Comme nous le constatons, la définition politique de l’auteur et des « droits » qui lui sont attribués paraît de plus en plus intenable compte tenu de l’expansion formidable du secteur de la création et de la multiplication des modes de diffusion. La théorie de la création originale, pierre angulaire du système du droit d’auteur, aboutit à une construction en cascade de plus en plus complexe. Il est frappant de constater qu’avec la multiplication des droits, de nombreux acteurs ne vivent que de la « gestion de ces droits » dans l’économie de la culture, à côté des activités de production et de diffusion. En effet, ces droits unitaires minuscules incitent au développement d’organismes monopolistiques, lourdement bureaucratiques, qui suivent la diffusion et l’échange des œuvres pour en soutirer une modeste contribution légale. Evidemment, tous ces intermédiaires économiques, qui vivent de ce système, défendent de tout leur poids le maintien, voire l’extension des DADV, afin de protéger leur modèle économique. Derrière le prétendu « droit à un revenu » pour les auteurs, plusieurs professions verrouillent leur privilège pécuniaire quasi-parasitaire. L’exemple récent de l’école de Peillac, condamnée à payer des droits à la SACEM pour avoir fait chanter « Au revoir Monsieur le Professeur » de Hugues Aufray par les enfants devant leurs maîtresses sur le départ, ferait sourire si l’enjeu n’était pas bien plus grave. Anecdote amusante, jamais la SACEM ne vient réclamer de droits lors du chant de l’Internationale en public, alors qu’elle ne tombera dans le domaine public que dans quelques années. Deux poids, deux mesures. Pour Alternative Libérale, ce corporatisme outrancier doit être rapidement remis en question. Heureusement, pourrions-nous croire, il existe des exceptions pour « copie privée », mêmes si elles sont plus limitées que le « fair use » (section 107 de la loi sur le Copyright) anglo-saxon. Le « fair use » permet aux laboratoires et écoles de ne pas payer de droits pour la reproduction à des fins de recherche ou d’enseignement. Hélas, les pressions des lobbys sont fortes pour faire disparaître l’ensemble de ces exceptions, pourtant déjà parmi les plus restrictives en France. Face à l’extension de la protection des DADV à un nombre toujours croissant de « catégories d’œuvres », voilà qu’Internet est venu spontanément tout remettre en question. La mutation numérique et le réseau mondial du Net transforment le processus de production, de diffusion et de consommation culturelle dans un espace sans frontière, le partage et la copie à l’infini des œuvres numériques, les possibilités de création en réseau. Les coûts marginaux de reproduction tendent vers 0. Bref, la médiation culturelle n’a plus rien à voir avec celle qui a imposé la notion légale du droit d’auteur et des droits voisins. A nouveau, la liberté et la circulation des connaissances redeviennent centrales dans l’esprit populaire. Aujourd’hui, Alternative Libérale souhaite ouvrir un vaste débat afin de remettre en cause le système des DADV, qui a évolué en dépit du bon sens et qui menace aujourd’hui nos libertés fondamentales. Pour Alternative Libérale, il est urgent de redessiner le périmètre des DADV pour éviter l’explosion d’un conflit philosophique latent. Si rien n’est fait, une telle crise menace d’être bien plus dévastatrice pour les auteurs, pour la culture et pour de nombreux acteurs de notre économie, de plus en plus fondée sur l’échange d’information et sur la connaissance. De la propriété intellectuelle, nous proposons de retenir le droit moral qui protége le lien intellectuel entre les auteurs et leurs oeuvres. Concernant l’exploitation commerciale des œuvres reproductibles d’auteurs et d’interprètes telles que les livres, les CD ou les DVD, nous prônons une limitation de ce droit patrimonial à une durée fixe de 20 ans après la date de création afin de ramener le monopole d’exploitation à une durée raisonnable et connue à l’avance. Nous attendons aussi que soient étendues les exceptions pour « copie privée » aux usages d’enseignement, de recherche ainsi qu’à l’échange non commercial d’œuvres numériques, notamment le peer to peer. Nous souhaitons autoriser le contournement des « mesures techniques de protection » telles que les DRM, lorsqu'il est effectué à des fins légitimes telles que la recherche de l'interopérabilité. Internet doit rester un espace libre d’échange d’informations, qu’elles soient culturelles ou non. Ce dernier point implique au passage la suppression des redevances sur les supports vierges (CD, DVD, clef USB). Enfin, la gestion des DADV ne doit plus être du ressort de monopoles tels que la SACEM ou l’ADAMI. Nous considérons qu’elle mérite d’être ouverte à tout organisme de collecte. Evidemment, nous nous attaquons à des monopoles qui ont prospéré pendant plusieurs décennies sur ce système bien verrouillé. Par ailleurs, la remise en cause d’une directive européenne constitue un choix politique fort qui ne peut s’envisager qu’avec le soutien de partenaires européens. Dans l’attente d’une telle réforme à l’échelle européenne, il est déjà possible d’étendre très largement la définition d’exception pour copie privée. Les Français devront choisir entre la défense de puissants intérêts économiques et des privilèges exorbitants consacrés par la loi DADVSI qui leur garantissent des rentes récurrentes, et la liberté de circulation des œuvres. Alternative Libérale ne doute pas qu’ils pencheraient massivement, s’ils en avaient le choix, pour la liberté, c'est-à-dire pour l’équité et le droit. Si la création a existé longtemps avant l’apparition des DADV et continuera à occuper une place importante dans nos vies après ces changements inéluctables, nous nous attendons à une profonde restructuration de ce secteur économique. Une vraie révolution culturelle ! Aurélien Véron

a.veron@alternative-liberale.fr

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